Ce cher Robert - Partie 3

Partie 3

En lisant ces mots, je souris, un sourire sincère que je n’ai pas eu depuis longtemps. Finalement, pas de grands discours ni de longues hésitations, juste un élan simple, brut, presque évident. Ça me rassure et m’excite tout à la fois. Au fond, pourquoi rendre les choses compliquées ? Si ça doit marcher, autant plonger directement.

Alors, on se tait pour le reste de la journée, chacun de notre côté, comme si on avait peur de brusquer cet équilibre tout juste trouvé, de déranger cette décision qui semble suspendue au-dessus de nous. Je pense à lui par moments, entre deux réunions, en vérifiant l’heure. Une légère excitation, un peu comme avant un premier jour d’école.

À 18h, je sors du boulot, un peu nerveuse, mais avec cette excitation familière que je n’avais pas ressentie depuis des lustres. Je rentre en vitesse pour me préparer, et je fais ce que font toutes les filles avant un rendez-vous où elles espèrent secrètement quelque chose. Je me lave et je me rase, soigneusement. Tout le reste est secondaire.

Je choisis mes vêtements en hésitant quelques instants. Ni trop sage, ni trop apprêtée, juste ce qu’il faut pour me sentir séduisante sans forcer le naturel. À 19h passées de quelques minutes, j’arrive enfin au bar, avec ce léger retard qui ajoute une pointe d’attente, de mystère, comme si je voulais tester sa patience.

En franchissant la porte, je balaye la salle du regard. L’endroit est intimiste, chaleureux, avec cette lumière tamisée qui rend tout le monde un peu plus beau, un peu plus secret. Je l’aperçois, assis seul à une petite table carrée, un peu en retrait, il est plongé dans ses pensées, une tasse de thé entre les mains. Ce détail me fait sourire. Qui commande un thé lors d’un premier rendez-vous ? Peut-être quelqu’un qui ne cherche pas à impressionner, quelqu’un qui ne joue pas un rôle.

Il est brun, charpenté, massif. Sa présence dégage une force tranquille. Son visage est légèrement différent de ce que j’imaginais. La photo sur son profil n’était pas nette, mais je me rends compte que je m’étais fait une idée plus floue encore. Ce visage, ces yeux, ce mélange de douceur et de solidité, tout cela me plaît. Et moi, j’ai oublié de lui préciser que j’ai changé de tête, que mes cheveux ne sont plus blonds. Nous sommes tous deux, en quelque sorte, des inconnus – et c’est excitant.

Je me plante devant lui et lui lance simplement :

— Salut !

Il lève les yeux et me dévisage un instant, avant de me rendre un sourire chaleureux.

— Salut !