Ce cher Robert - Partie 2
PARTIE2
Le dimanche matin, je recommence. A moitié endormie dans mon lit, les yeux collés, j’attrape mon téléphone pour relancer l’application. C’est la première chose que je fais, comme une routine un peu honteuse. Il est à peine 8h, et déjà, un match : un certain Robert.
Un sourire moqueur étire mes lèvres. Ce prénom me fait lever les yeux au ciel. Alors, je commence la conversation, un peu pour rire, un peu pour voir.
— Rassure-moi, Robert, tu n’as pas l’âge de mon grand-père ?
— Ça dépend, quel âge a ton grand-père ?
— Façon de parler, il est mort.
— Ah, alors non, je suis bien plus en forme que lui.
— Tu t’appelles vraiment Robert ?
— C’est bien possible.
— Soit tu es vieux, soit tes parents sont fous.
— Les vieux prénoms ne finissent-ils pas toujours par revenir à la mode ?
— C’est pas faux.
— Et toi, tu t’appelles comment ?
— Cunégonde.
— Je trouve que nos prénoms vont bien ensemble.
— Moi aussi.
Voilà comment tout a commencé avec ce mystérieux "Robert". Une conversation légère, et un feeling immédiat, comme si nous avions le même humour décalé, la même envie de nous amuser sans pression.
Cette journée-là, Robert devient ma seule occupation. Mon café refroidit sur la table, un vieux plat de pâtes réchauffé me tient lieu de déjeuner, et j’oublie complètement de me doucher. Affalée sur le canapé, télé en fond et un plaid autour de moi, je suis absorbée par cette discussion qui ne s’essouffle pas. On parle de tout sauf de nous. De politique, de la dernière comédie au ciné, de conneries en tout genre. On discute comme deux vieux amis, mais c’est l'inconnu qui rend la chose aussi excitante. C’est presque comme si on jouait à un jeu où le but était d’éviter les questions banales, celles qui sondent un peu trop.
Sur l’appli, Robert n’a qu’une seule photo, et elle est franchement mauvaise. On le distingue à peine. Il est de dos, légèrement tourné pour dévoiler un profil sombre, comme si la photo avait été prise par hasard dans une soirée. Sa carrure m’inspire pourtant une certaine force, une présence qui me plaît. Il a l’air grand, solide. Un peu mystérieux aussi, ce qui n’est pas pour me déplaire. Je me rends compte que je ne sais rien de lui. Je ne connais ni son âge, ni son métier, ni s’il habite en ville. Rien de tout ça, et étrangement, ça m’arrange.
En vérité, je me laisse volontairement emporter par ce flou. Au lieu de poser les questions habituelles, j'ai envie de croire qu'il est exactement ce que je m'imagine. Pour une fois, je me permets de savourer une rencontre sans trop savoir où elle va, sans chercher à percer le mystère. Alors, je continue de répondre à ses messages, le sourire aux lèvres, impatiente de voir où cette étrange journée va nous mener.
— Robert, avec toi, c'est le monde à l'envers !
— Je n’aime pas vraiment les choses conventionnelles.
— Moi non plus.
— On se voit.
— Où ?
— En ville.
— Ok.
— Dans un bar.
— Ok.
— Ce soir.
— Ok.
— Je t’envoie l’adresse, rendez-vous à 19h.
— Ok.
— La vie est simple avec toi.