Celui qui cherchait du travail - Partie 5

Aperçu

Partie 5 : Pourquoi ?

Jeudi, 17h. La fourmilière de l’emploi semble endormie. Je croise quasiment personne, entre les vacances d’été et les salariés qui finissent tôt. Ce grand silence, cette absence d’allée et venue me donne le sentiment de m’être trompé de date, d’heure. Pourtant, j’ai tellement attendu ce jour que je n’ai aucun doute.

J’appréhende ce rendez-vous. Je lui ai dit que j’avais trouvé quelque chose, mais ça n’a rien de professionnel. Comment va-t-elle le prendre ? Je sens que mes mains sont moites et que mon cœur adopte une allure inhabituelle. Je tente de respirer calmement en préparant dans ma tête ce que je vais bien pouvoir lui dire. Comme si je répétais le texte d’une pièce de théâtre où chaque mot avait sa place, chaque ligne devait être dite, telle quelle.

17h15, toujours personne. Elle est en retard. Je vois certaines personnes saluer Nadège, la dame de l’accueil, et quitter leur lieu de travail, leur journée enfin terminée. Je ronge mes ongles, j’attends.

17h30, la fourmilière est vide, même Nadège est en train de ranger ses affaires. Je me sens oublié, elle me voit et s’approche de moi.

— Monsieur, vous aviez rendez-vous avec qui ?

— Victoire Lachon.

— Je vais aller voir, où elle en est. En tout cas, ne vous inquiétez pas, elle ne devrait pas tarder, il y a toujours un peu de retard en fin de journée.

— Je comprends. Je ne suis pas pressé, je patiente.

— Ah ! La voilà qui arrive, vous voyez, je vous l’avais dit. Bonne soirée monsieur.

Je la remercie et je me retourne. Victoire me signe de venir jusqu'à elle, je me lève et marche sans la quitter des yeux. Elle a attaché ses cheveux dans une queue de cheval haute, dégageant complètement son visage. Ses grands yeux ronds sont comme une mer dans laquelle je voudrais plonger. Ses lèvres roses sont comme un bonbon acidulé dans lequel je voudrai croquer. Elle porte une longue robe, jaune comme du sable chaud contre lequel j’aimerai me lover.

Je lui serre la main, toujours en la fixant, sans ciller. Elle soutient mon regard et je vois sa bouche s’étirer légèrement, signe qu’elle est heureuse de m’accueillir. Je la suis jusqu’à son bureau. Les couloirs sont vides, les box d’entretiens aussi. L’idée de nous savoir presque seuls ici m’excite. On s’installe dans le dernier bureau, tout au fond du corridor, et l’entrevue commence.

— Comment allez-vous Sylvain ?

— Très bien merci, et vous ?

— Je vais très bien. À votre demande nous allons faire un petit point. Où en êtes-vous ?

— Je… Je n’ai pas trouvé de travail.

— C’est ce que vous m’avez dit dans votre mail. En quoi puis-je vos aider ? Vous m’avez écrit avoir trouvé quelque chose, de quoi il s’agit ? Un stage ? Une formation ?

— Je… Je… Oui, j’ai trouvé quelque chose. Non, ce n’est pas ça. Comment vous dire… J’ai trouvé quelque chose qui me plaît. Enfin, quelqu’un… Vous me plaisez, Victoire. Vous l’avez certainement compris lors de notre dernier rendez-vous. Vous embrasser était plus fort que moi, que tout. J’ai senti votre peau frémir sous mes doigts, j’ai senti votre bouche s’ouvrir sur la mienne. J’ai eu l’impression de perdre la tête. J’ai trouvé quelqu’un qui me plait et j’ai trouvé un désir immense dont je n’arrive pas à me débarrasser, il me hante tous les jours. Mes pensées sont tendres et… obscènes. Victoire, ce plug dans votre sac. Une question m’obsède, pourquoi l’emmener au travail ? Pourquoi vous m’avez laissé vous embrasser ? Pourquoi on est là, dans ce bureau ?

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