Cinq Jours au studio - Jour 2
Avant de lire Le jour 2 je vous invite à lire le Jour 1
Jour 2 – Sylvain
La journée d’hier s’est bien passée. Elle s’est débrouillée comme une pro, surtout pour une première fois. Le boss ne s’est pas trompé, cette fille a de l’avenir. Il est 8 h 40, et j’enfourche mon vélo pour rejoindre le studio, je suis un peu à la bourre, il va falloir pédaler fort. Parfois, ce boulot me lasse. Enregistrer des morceaux qui ne me parlent pas vraiment, mais qui cartonnent chez les jeunes, ça use. Je me sens vieux, et ça me fout un coup. Mais ce matin, c’est différent. Ce matin, j’ai hâte.
Ce n’est pas seulement l’envie de voir où cette deuxième journée va nous mener musicalement. C’est aussi l’envie de la revoir. Sandra. Elle a cette lumière particulière, ce mélange d’innocence et d’intensité qui te happe avant même que tu comprennes pourquoi. Ses cheveux bouclés, son sourire timide, et cette manière qu’elle a de sélectionner ses tenues comme si elle voulait raconter une histoire, même avec ses vêtements. Hier, c’était une robe fluide, simple, presque enfantine. Aujourd’hui… je me surprends à imaginer ce qu’elle pourrait porter.
Elle dégage quelque chose d’intense qui me donne envie de la baiser. Et puis je me rappelle : arrête, Sylvain. Ce genre de pensées, c’est le bordel assuré. J’ai déjà payé pour ça. Deux chanteuses qui refusaient de bosser avec moi après que les choses soient devenues un peu… compliquées. Le boss avait failli me foutre dehors. Depuis, j’ai appris. Je m’interdis toute ambiguïté. Les aventures, c’est pour ailleurs, pas au studio. Je me contenterais d’en rêver et je sais à quel point ça va embellir ma journée.
J’arrive au studio en avance. Jamais pédalé aussi vite. Sandra est déjà là, installée sur le petit canapé, absorbée par les paroles griffonnées dans son carnet. Elle porte une combinaison vert pomme, cintrée à la taille par un lien doré. La couleur éclaire ses cheveux bruns et met en valeur ses yeux noisette. Quand elle lève la tête et me sourit, je sens un nœud dans ma poitrine. Je lui rends un sourire poli, distant. Elle ne doit rien deviner. Moins elle sentira le chaos que je cache, mieux ce sera.
— Salut Sandra, comment tu vas ?
— Très bien, merci. Et toi ?
— Bien. Tu es contente de la journée d’hier ? On a fait du super boulot, tu sais. Tu es douée, vraiment.
— Oui, je suis très contente, merci. J’étais stressée au début, mais vous m’avez mise à l’aise. L’équipe est top.
— Moins stressée aujourd’hui ?
— Beaucoup moins. J’ai hâte de m’y remettre !
Elle a un sourire plein de sincérité, ses joues légèrement rougies. Ça devrait être attendrissant. Mais moi, ça me fait vriller, j’ai envie de l’embrasser, de la mordre et de la lécher. Je me cache derrière mon clavier, prétexte parfait pour dissimuler mon sexe qui commence à gonfler rien qu’en la regardant. C’est malsain. Et pourtant, elle me rend fou. Je respire un bon coup et me plonge dans les réglages, comme si ça pouvait effacer les pensées qui me traversent.
La matinée file vite. À 13 h, après la pause déjeuner, Karl m’envoie un texto. Crevaison. Il sera en retard. Bon, je vais devoir m’occuper de Sandra seul pour l’instant.
Dans la cabine, je l’aide à s’installer avec sa guitare. Brancher les câbles, ajuster les micros, placer le casque. Je n’ai pas un seul geste mal intentionné, pas un seul geste déplacé, dans le plus grand des respects je l’aide à se positionner et pourtant… Chaque contact me brûle. Quand ma main frôle son épaule, j’ai envie de la serrer. La vue sur sa nuque me donne envie de la bouffer, mon bras qui frôle ses fesses me donne envie de me damner.
Il suffirait d’un geste. Juste un pas en avant. La coincer doucement contre ce mur, sentir son souffle devenir court, voir ses yeux s’allumer sous l’intensité du désir. Mes mains sur elle, mes lèvres traçant chaque centimètre de sa peau. Je veux glisser ma main dans sa culotte et enregistrer ses gémissements pour les écouter une éternité…
Mais je n’en fais rien. Je recule, retourne derrière ma console. C’est la seule chose à faire.
L’après-midi défile dans une étrange transe. Sa voix douce et sincère emplit le studio, sa présence légère imprègne l’air. Chaque note qu’elle chante me transporte, pas seulement musicalement, mais dans mes rêveries les plus perverses. C’est beau, c’est frustrant, et c’est le bordel dans ma tête. Pourtant, je garde la façade. Toujours.
À 19 h, la session s’achève. Je remonte sur mon vélo, épuisé et troublé. Deux phrases tournent en boucle dans mon esprit, comme un mantra maudit :
« Pourvu qu’il se passe quelque chose. Pourvu qu’il ne se passe rien. »