Votre feuilleton : 05 - Téquila et paf

Aperçu

photographe : Siimo

Je vous propose un feuilleton que nous allons construire ensemble. Je vais essayer d’écrire le plus régulièrement possible ! Tout comme vous, je ne connais pas la suite de l’histoire alors n’hésitez pas à interagir, à proposer des péripéties, à imaginer la suite, à donner votre avis, à voter pour votre suite préférée sur Instagram…

Une chose est sûre, je ne sais pas jusqu’où cela va aller mais je vous propose de vivre l’expérience ensemble.



Partie 5 - Téquila et Paf

Je lui réponds parce qu’il me faut des réponses.

« Je suis déjà partie. On boit un café ensemble en fin d’après-midi ? J’ai besoin que quelqu’un me raconte la soirée. Je me sens conne, j’ai tout oublié. »

L’inconnu du bar a donc un nom : Étienne. Il n’a finalement pas l’air d’être un tueur en série, mais je reste sur mes gardes. En tout cas, il est dispo ce soir, on a pris rendez-vous à 18 heures dans un petit salon de thé entre chez lui et chez moi. À ce moment précis, je ne pense qu’à une chose, retrouver la mémoire et reprendre ma vie de pauvre accro au poker. Plus sérieusement, il faut vraiment que j’arrête de jouer. C’est pour ça que je me retrouve dans cette sale situation.

Après avoir passé la journée à dormir, je franchis la porte du salon de thé très à la bourre. Je suis volontairement mal fagotée Un jogging douteux, un vieux tee-shirt Disney avec la petite sirène qui me sert habituellement de pyjama, mes cheveux sont emmêlés, mon teint naturel, pas maquillé, un bouton sur le menton. Le message est clair : ce n’est pas un rendez-vous galant et s’il s’est passé quelque chose hier je n’ai aucune envie que ça recommence. Voilà.

Je m’assois en face de lui, la petite table carrée accueille son café à moitié entamé. Il m’attend sûrement depuis un moment, j’ai fait exprès d’être en retard pour en rajouter une couche.

— Salut, lui dis-je.

— Bonjour Léna, ça va ?

— Oui. Et toi ?

— Bien merci. Tu veux boire quoi ?

— Un café, long, sans sucre.

Il intercepte un serveur, commande pour moi. Je l’observe. Toujours cette tête de mec pas net. Je suis sûre qu’il trafique des trucs. Peut-être de la drogue, ou alors des armes ou des femmes. Il a une tête de méchant dans les films. Je me demande ce qu’il fait dans la vie. Comme la veille, il est habillé tout en noir et ses yeux sont d’un marron si foncé qu’on dirait deux billes de charbon. Ça rend son regard très intense. Il n’est pas moche. Ce n’est pas un canon de beauté non plus. Il ne m’intéresse pas, j’ai hâte de connaître le fin mot de l’histoire et de regagner mon canapé.

— On ne va pas s’éterniser, j’ai besoin de toi pour retracer le fil de ma soirée. Je n’ai pas envie de rester dans le flou, de ne pas savoir ce que j’ai fait de ma nuit.

— Je vais t’aider comme je peux. Que veux-tu savoir ?

— Tout.

— OK. Pour commencer, quand je t’ai vue arriver dans ce bar, je me suis demandé ce qu’une fille comme toi pouvait bien faire là.

— Une fille ne peut pas jouer au poker dans un vieux bistrot, c’est ça ? C’est un truc d’homme, tu vas me dire…

— Non, tu tires des conclusions hâtives. Au contraire, je trouve ça chouette de voir des femmes dans ce trou, je vous trouve courageuses justement. C’est tellement dur de s’imposer, de ne pas se faire marcher dessus. C’est dangereux aussi, et c’est bien triste que ce soit ainsi.

— Je n’ai pas peur.

— J’ai vu ça, dit-il en rigolant. Mais quand même, cet endroit, ça craint. J’ai assisté à de sacrées bagarres pour de l’argent. Alors je ne sais pas, quand je t’ai vue, j’ai gardé un œil sur toi. Au cas où.

— Je n’ai pas besoin qu’on me protège, je suis une grande fille.

— Je  ne pense pas que tu avais besoin de moi, mais j’étais prêt à t’aider. Surtout quand j’ai vu tout l’argent que tu étais en train de perdre. Je ne sais pas combien tu as laissé à cette soirée, mais un joli paquet. Quand tu es venue au bar prendre une tequila, je me suis dit que c’était une perte dure à encaisser.

— 800 balles, oui, ça fait mal.

— Ouille… Du coup, quitte à te bourrer la gueule pour oublier, autant que ça puisse être gratuit. Parce qu’avec ou sans moi, tu m’as bien dit : « Ce soir je vais boire à en vomir. Quoi qu’il arrive. »

— J’ai dit ça ? La honte…

— Non, il ne faut pas. Alors j’ai payé les téquilas paf, on peut dire que tu les as enchaînées. J’en ai bu quelques-unes avec toi. Tu m’as parlé du poker, sacrée addiction apparemment. Au bout d’une heure, tu étais complètement ivre. Comme prévu.

— Je fais toujours ce que je dis.

— C’est une belle qualité, dit-il en me souriant. Ensuite j’ai voulu t’appeler un taxi ou te ramener chez toi, je n’allais pas te laisser comme ça dans la rue. Tu titubais tellement que je devais te soutenir pour marcher, tu n’as pas fait semblant tu sais, j’étais même un peu inquiet. Et puis ce qui devait arriver arriva.

— J’ai vomi ?

— Oui. En plein sur ta robe.

— Et merde. Quelle honte vraiment.

— Ça arrive. Je t’ai essuyée comme j’ai pu avec des mouchoirs et arrivés à ma voiture je t’ai installée à l’avant. Je t’ai demandé plusieurs fois où tu habitais, mais tu dormais à moitié, tu marmonnais un truc pas clair, une histoire de fossé et de tueur en série.

— Un cauchemar sûrement.

— Bref, du coup je t’ai ramenée chez moi, sans intention aucune. Tu m’excuseras, mais j’ai enlevé ta robe, pour préserver mes draps et pour que tu sois à l’aise. J’ai dormi dans le canapé et je suis parti bosser ce matin.

— C’est tout ?

— Ben oui, c’est tout. Quoi d’autre ?

— On n’a pas baisé ?

— Non.

— Embrassé ?

— Non.

— OK. Ben, merci.

— Pourquoi ?

— Pour la robe. Et la nuit à décuver dans des draps propres.

— De rien.

Je finis mon café. Je lui dis que je dois filer. Il me salue et me lance un dernier mot :

— Tu sais, si jamais tu veux de l’aide pour ton addiction, on peut en reparler. J’ai connu ça et je m’en suis libéré.

Je regagne mon appartement et je réfléchis à sa proposition. Pourquoi veut-il m’aider ? Il est dans une secte ou quoi ? C’est un gourou qui vient repêcher les gens pleins d’addictions en promettant de les sauver ? Et merde, j’ai complètement oublié de lui demander ce qu’il fait dans la vie.

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